
2002
La classe était particulièrement agitée aujourd'hui. Les étudiants pouvaient enfin souffler un peu de tous les devoirs qu'ils accumulaient en cette période d'examen et s'apprêtaient à recevoir un ancien combattant de guerre qui allait présenter son livre. Le professeur de littérature, Monsieur Waird, avait jugée bon et instructif d'amener un écrivain qui s'était inspiré de sa propre histoire pour écrire son roman. Et même si c'était un apprentissage très important selon le professeur, les élèves ne voyaient en cette journée qu'un jour de repos où ils pourraient se reposer tandis que l'écrivain débiterait ses histoires ennuyeuses.
-Bon, rappelez-moi qu'elle âge vous avez ?
-17 ans man ! S'écria un garçon en finissant d'écrire un texto.
-Jeremy, comme tu le dis, 17 ans, alors cesse d'être con. Riposta une autre élève de la classe, excédée par le comportement enfantin du garçon.
-Jane, je te conseille vraiment d'aller tirer un coup, ça commence à devenir urgent.
-Jeremy, si tu te tiens bien, t'auras un carambar à la fin de la journée. Annonça Monsieur Waird en tapotant la tête de ce dernier pour se moquer sous l'hilarité générale de la classe.
-Je vous découvre avec un sens de l'humour m'sieur. Ca m'plait.
Monsieur Waird ne put s'empêcher de sourire. Il attendit que tous les élèves prennent place pour venir s'assoir sur son bureau. Il fallut tout de même plusieurs minutes avant que la classe s'agite moins. Il remarqua alors le vieil homme, posté dans l'encadrement de la porte. Il lui donna tout de suite une forte impression. Malgré son vieil âge, l'homme se tenait parfaitement droit, s'était habillé classe avec une veste cravate et ses médailles qu'on pouvait voir et qui étaient accrochées à la poche de sa veste. Malgré son vieil âge, il avait l'air en pleine forme, malgré le fait qu'il avait une canne avec lui pour l'aider à marcher. Il avait coiffé ses cheveux blancs avec un peu de gel et il venait de sortir de sa sacoche une paire de lunette qu'il s'apprêtait à mettre. Le professeur se ressaisit bien vite et fit signe à l'écrivain d'attendre à la porte quelques minutes de plus. Waird tapa alors plusieurs fois dans ses mains, dans le but d'attirer l'attention des élèves.
-Bon, alors, comme je vous l'avais annoncé et répété depuis un mois, Justin Hastings vient nous faire la présentation de son nouveau livre, inspiré de sa propre histoire durant la guerre.
-C'est une biographie non ? Questionna alors une jeune élève.
-Pas exactement car elle ne raconte pas exactement toute sa vie mais seulement un moment de sa vie en particulier. Je vous d'abord vous dire quelque chose avant qu'il ne rentre pour commencer son histoire. Je sais que vous n'êtes pas tous passionnés par la littérature, ni par entendre débiter un vieil homme pendant une journée ses vieilles aventures. Mais cela comptera pour 50% de votre note puisque vous aurez une dissertation à faire par la suite sur ce que cet écrivain a écrit.
Un grognement de la part des élèves se fit entendre et provoqua chez le professeur, un petit rire moqueur.
-Croyez-moi, c'est très instructif. Evidemment, nous sommes en 2002, la guerre est finit depuis longtemps maintenant, mais elle a marqué bon nombres de personnes. Alors même si je sais très bien que des gens ici feront plutôt des études scientifiques, économique ou autres. Il y a aussi des personnes comme Megan, Aymeric, Gale qui sont des purs littéraires.
-Tu me feras une dédicace de ton futur bouquin, Gale. Souffla Jeremy en tapotant le coude de son ami.
-Ou il y a aussi des gens comme Jeremy qui aideront la société en ramassant les ordures dans les rues.
La classe partit une nouvelle fois dans une crise de fou rire tandis que Jeremy Geller s'enfonçait dans sa chaise en ronchonnant, mais étant lui aussi un peu amusé de la répartie de son professeur de littérature.
-J'appelle ça de la persécution, monsieur Waird.
-Oh, désolé si je t'ai blessé mon p'tit Jéjé. Pour reprendre, la plupart des membres de votre famille ont sûrement fait cette guerre, et la plupart sont morts là-dedans. Je veux faire absolument cette journée pour vous faire souvenir, pour que vous n'oubliez jamais que des gens sont morts pour sauver notre pays, pour sauver le monde. Je veux que cette journée pédagogique vous marque. Cette guerre ne doit pas être oubliée, tout comme tous ces soldats qui sont morts pour nous. Alors, veuillez accueillir, Justin Hastings, auteur de « 1943»
Le vieil homme entra enfin dans la classe, d'une allure assez lente, aidé avec sa canne. Il serra d'abord la main à Monsieur Waird avant de faire un signe de main à l'ensemble des élèves. Ces derniers furent d'abord impressionnés. Il était intimidant. Il avait ce visage sans défaults, seuls les rides étaient présentes. On pouvait facilement deviné qu'il était un petit tombeur à l'époque. Monsieur Waird lui tendit une chaise, qu'il plaça juste à côté de son bureau et lui laissa alors la parole.
-Bonjour les jeunes.
-YO MAN ! Lançèrent Jeremy et Daniel alors que les autres élèves avaient salué Justin d'une manière plus habituelle.
-Je vous aime bien vous. Lâcha Justin en désignant du doigt les deux garçons qui riaient à présent. Bon, je m'appelle Justin Hastings, auteur de 1943. Quelqu'un a entendu parler de ce livre ?
Presque toute la classe leva la main. Justin parut alors satisfait et fut même étonnée qu'il y ait autant de jeunes de cette tranche d'âge qui connaissent. Il remarqua que la plupart des personnes étaient des filles. Il faut dire que son livre mettait peut-être en scène sa vie, mais il racontait surtout comme il avait rencontré l'amour de sa vie, comment une personne avait pu devenir si importante à ses yeux.
-Je suis impressionné. Et combien de personnes ont lu ce livre ?
Cette fois-ci, il n'y eu que des filles qui levèrent la main, environ 6, le sourire aux lèvres. Il faut dire que le livre avait été top 1 des ventes pendant plusieurs mois et que l'histoire allait bientôt être adaptée aux cinémas. Justin avait d'ailleurs insisté auprès des réalisateurs à ce qu'ils suivent bien le livre il disait que cette histoire lui tenait beaucoup à coeur. C'est alors, que tout gêné, Daniel leva la main, sous les regards stupéfaits de ses camarades.
-Bah quoi ?
-Tu es un petit sentimentale dis-donc mon chéri. S'exclama Faith en taquinant son petit copain.
-T'es un fragile sur ce coup, JE TE RENIE. Railla Jeremy en croisant les bras et lui tournant le dos.
-Oh, stop « jéjé ». Je te parie ce que tu veux, qu'après cette journée, tu iras lire ce livre.
-20 dollars que non.
-Bien. [...] Je tenais juste à vous dire Monsieur que votre livre est vraiment géniale et qu'il m'a permis vraiment de me rendre compte les horreurs de la guerre et qu'il n'y avait pas vraiment une grande marche entre être méchant et être gentil.
Justin parut très content de ce commentaire que fit Daniel, il le remercia chaleureusement et ouvrit ensuite sa vieille sacoche en cuir, posé sur le bureau, et en sortit son livre, qu'il serra fortement contre sa poitrine avant de le poser sur ses genoux, prenant une grande bouffée d'air avant de commencer son récit.
-Je suis ici pour vous raconter l'histoire de ma bouche, mais aussi pour vous faire comprendre qu'à cette époque, être dans le clan des gentils, et être dans le clan des méchants n'avaient pas vraiment de différences. A cette époque, il était difficile de voir qui était le bien et qui était le mal. Un pas et nous basculions de l'autre côté. J'avais seulement 17 ans, mais j'étais déjà engagé en tant que soldat et j'avais été transféré avec une cinquantaine de soldats américains à Vichy où j'étais sous les ordres de Pétain et de Laval.
-Donc vous étiez de ce côté ? Du côté d'Hitler ?! S'insurgea une jeune fille au ton plus que désinvolte.
-Je te l'ai dit, la barrière était très mince entre le bien et le mal. L'Amérique aidait les français mais pas les Allemands. Je n'étais pas sous le commandement d'Hitler, pas vraiment, du moins. Je servais le général Pétain, qui lui, était aussi contrôlé par Hitler.
-Pourtant Josh Hutcherson, qui va interpréter votre rôle au cinéma est un résistant dans l'histoire.
-Car j'en suis un. Répliqua Justin, souriant en voyant à quel point l'élève savait beaucoup de choses à propos de cette histoire. J'ai été un résistant, grâce à elle. Grâce à une fille.
-Toujours les filles qui nous bouleversent. Souffla Jeremy en roulant des yeux.
Justin laissa échapper un petit rire, en repensant une fois de plus au minois de cette fille. Jeremy n'avait pas tord. Cette fille avait bouleversé sa vie et tout ce qu'il l'entourait. Elle lui avait donné quelque chose qu'il avait perdu depuis longtemps : l'espoir.
-Notre but avec les cinquante soldats étaient de stopper tous les résistants américains, les dénoncer, ce qui aboutait à les tuer dans des conditions plus que douloureuses puisqu'on les torturait pour qu'ils dénoncent d'autres groupes de résistants. Mais je vous rassure, certains soldats Américains ne faisaient que les rapatrier aux Etats-Unis dans la plus grande discrétion. Voilà où tout commence, revenons cinquante-neuf ans en arrière, là où j'avais 19 ans. Le 3 janvier 1943, là où tout commence.
1943
59 ans plus tôt
-Bon tir, Hastings, continuez comme ça.
-Merci Colonel. Je m'enquis de dire en baissant mon arme à feu et faisait un signe de tête poli à mon commandant.
-Bravo le chouchou. Souffla une petite voix que je ne pouvais reconnaître que trop bien.
-Ne sois pas jaloux, on nait avec ce talent, c'est tout.
Marvin, mon meilleur ami se tenait à quelques mètres de moi. Je déposais l'arme que je venais d'utiliser, un calibre 12, sur le comptoir et attendis qu'il vienne me serrer dans ses bras. Il était partit quelques jours dans le nord, après avoir eu comme mission d'aller commander une équipe et d'arrêter une fois des plus, des familles juives. J'avais, moi-même été étonné qu'on lui demande une fois de plus de faire ceci puisqu'on l'avait déjà réquisitionnée les ans passés, notamment pour la rafle. Les familles juives étant tombées sur Marvin avaient eu de la chance, non pas qu'il les laissaient partir, mais c'était le seul qui n'était pas violent. Marvin, avait d'ailleurs refusé de rejoindre la milice quand on le lui avait demandé, prétextant qu'un Américain n'avait pas a y être et que ce n'était qu'une organisation française. Je dois l'avouer, même s'il n'était parti que cinq jours, il m'avait manqué. Il était mon point de repère ici. J'avais grandi avec lui, nous nous étions engagé en même temps dans l'armée et étions partis tous les deux en France pour servir Laval, chef du gouvernement.
-Je dois l'avouer, tu m'as manqué mon frère ! Comment était Paris ?
-Horrible. Les Allemands infestent les rues, comme toujours et martyrisent même les innocents. Les Français les prennent comme exemple et le peu d'Américains étant présent doivent faire de même. La violence s'empire au fil des ans, je pense que c'est parce qu'ils ont peur.
-Peur de quoi ? Ils ont tout pour eux, sauf l'Amérique évidemment. Rajoutai-je accompagné d'un petit sourire.
-N'entends-tu pas donc toutes ces rumeurs ? Depuis l'appel de De Gaulle, on dit que son armée ne cesse de croître à Londres et on raconte que les Allemands n'arrivent pas à vaincre les Russes à Stalingrad donc les résistants croient en masse. La violence redouble pour les faire taire. Conclut-il en me prenant par l'épaule. Ne bavassons pas plus longtemps, je n'aime pas cet endroit, allons prendre une bonne bière.
Me tenant par le bras, il quitta alors la vieille cabane où nous nous trouvions, qui nous servait d'entraînement de tir et m'emmena alors au bar d'en face, là où nous allions habituellement tous les deux après avoir travaillé ou être rentré d'une quelconque tâche. Marvin et moi étions comme Rox et Roucky, nous nous étions vu une fois et après, nous nous n'étions plus jamais lâchés. Il avait décidé de s'expatrier en France après la mort de son père, pendant l'attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. Je l'avais suivis, lui ayant promis que je ne l'abandonnerais jamais. C'était une promesse primordiale pour moi et où il était hors de question que je la brise. Le bar où j'allais la plupart du temps était en quelque sorte, le refuge de tous les soldats. Il n'était donc pas le bar le plus gaie et festive. Ils revenaient souvent de batailles ou de missions, fumaient, se plaignaient ou restaient assis sur une chaise pendant des heures à siroter de l'alcool et ne parlant pas. Et quand le devoir les appelaient, ils marchaient tous d'un pas nonchalant vers la sortie. Ce n'était pas une vie, c'était un enfer, surtout qu'ils étaient déjà assez vieux, et je supposais donc qu'ils avaient une famille à leurs dépens. Heureusement pour moi, l'odeur de la fumée ne me dérangeait pas du tout, ni le vomi, car c'était ces deux choses qui emplissaient le bar dès qu'on passait l'entrée. On ne voyait presque jamais rien car tout était que brouillard à cause de la fumée, mais une musique distrayante nous parvenait jusqu'aux oreilles et les serveuses venaient faire notre bonheur avec leur bustier. Quand nous passâmes la porte, nous trouvions bizarrement que c'était déjà plus joyeux que la fois précédente, il y avait plus de monde (et moins de soldats) et beaucoup de gens étaient déjà sur la piste, dansant au rythme du groupe qui était sur l'estrade. L'endroit était vraiment bondé cette fois-ci, si bien que nous dûmes nous frayer un chemin pour accéder au comptoir en bois, long de six mètres, où des tabourets étaient disposés à intervalles réguliers juste devant. On optait souvent pour s'assoir sur les tabourets, surtout parce que les banquettes en cuir n'étaient jamais disponibles et les tabourets étaient plus pratiques pour demander à nouveau une boisson.
-Deux bières biens remplis pour mon garçon et moi. S'écria Marvin, toujours en tenue de soldat (ce qui était mélioratif puis qu'on servait souvent plus vite comme ça) et m'ébouriffant les cheveux par la suite.
-On ne touche pas aux cheveux, tu le sais ça ! Raillais-je en remettant mes cheveux en place correctement grâce à la vitre où je pouvais admirer mon reflet.
Il éclata d'un petit rire discret, ne me connaissant que trop bien et vint prendre la place libre à côté de moi qui venait de se libérer. J'étais très manique concernant mes cheveux et je pouvais facilement passer des heures devant un miroir à me coiffer. Je l'avouais, mais quand on a des cheveux comme les miens, on entretient, voilà tout. Je ne me privais pas de le montrer, et ce que j'avais me rapportait, je ramenais des filles –facile ou non- tous les soirs. Marvin était moins superficielle mais beaucoup plus arrogant. Voilà pourquoi je ne me séparais pas de lui, on faisait la paire.
-Et toi ? Qu'est ce que tu as fait pendant mon absence ?
-J'ai entraîné des jeunes français, le chef Laval recrute de plus en plus jeune.
-Les français deviennent complètement fous. Mais je ne rentrerais pour rien au monde. Souffla Marvin en buvant sa bière.
Non pas que le pays me manquait beaucoup. Après ce qu'il s'était passé en décembre 1941, ni Marvin, ni moi ne voulions y retourner de si tôt. Mais la France n'était pas vraiment mieux. Marvin avait vraiment été traumatisé, ayant affronté sous les yeux la mort de son père en étant impuissant. Et comme mon père avait décidé de vivre en France avec ma petite s½ur, je n'avais pas omis d'objection quand Marvin m'avait demandé de venir avec lui.
-La numéro quatre te regarde, Justin. Me chuchota Marvin en clignant d'un ½il.
-Et où est la numéro un ? Lui demandais-je en cherchant la serveuse au corps de rêve qui nous servaient habituellement.
-Bonjour Justin ! Marvin ? Je ne savais pas que tu étais rentré ! S'écria un autre de nos compatriotes américains, Scott en compagnie d'un autre, Klent.
-Je viens seulement de revenir, désolé les enfants, j'avais besoin d'une bonne bière pour oublier ! Se justifia Marvin en leur serrant la main.
-Visions d'horreur ? Demanda Klent en faisant signe à la serveuse de leur servir deux bières.
-Oh que oui, encore plus violent que la dernière fois mais moins de monde que pendant la rafle, c'est déjà ça. Expliqua Marvin en finissant sa boisson et en commandant une autre à la serveuse numéro trois. Je crois qu'ils ont peur que les gens se révoltent. Ajouta-t-il d'un ton plus bas.
-Parlons pas de ça, je préfère plutôt parler de qui aura la serveuse numéro 3 aujourd'hui.
-La serveuse numéro 1 n'est pas là aujourd'hui ? Je ne l'ai pas vu en entrant, il faut dire que c'est bondé aujourd'hui. Fit Klent en cherchant la blonde des yeux à travers la fumée.
-Je n'ai vu que la 3, 4, 6 et 8. Répondis-je en lançant un regard furtif à la serveuse qui nous déposait d'autres bières.
-Vous numérotez les serveuses ? Demanda Scott d'un ton presque accusateur.
-Par physique, corps, et si elle est facile ou non à avoir. Plus elle est facile, plus elle a de points. Lui expliquais-je en tapant dans la main de Marvin et Klent par la suite.
-Vous me désespérez.
Scott était beaucoup plus sage que nous, il faut dire qu'il avait une femme et un enfant lui. Il avait rencontré une française quelques mois auparavant et selon ses dires, cela avait été le coup de foudre et à chaque fois qu'il nous raconte cette histoire, il est impossible que nous ne riions pas. Aucun de nous trois ne croyaient au coup de foudre, juste au coup d'un soir.
-Je prends la 3 ! M'écriais-je en premier, posant un véto sur elle.
-Oh non, mon frère, laisse là moi, je viens de rentrer d'un long voyage !
-De cinq jours seulement, tu peux t'en remettre avec la numéro 4. Ripostais-je en lui tapotant l'épaule.
-Plutôt avec la numéro 6, preum's pour la quatre. Il fallait te réveiller Marvin. S'enquit de dire Klent en lui tirant la langue.
-Vous êtes vraiment des salauds mes amis.
-Vous êtes des pures gougeas. Se lamenta Scott en donna quelques francs à la serveuse en pourboire.
-Maintenant que les choix ont été faits, trinquons avec nos nouvelles bières. S'exclama Klent en tendant son verre.
-A notre santée !
-A l'Amérique.
-Aux nanas ! Cria Marvin en en trinquant si violement son verre contre le mien qu'il en perdit la moitié.
-A moi. Conclus-je en faisant cul sec et laissant échapper un rôt.
-Bon, la serveuse numéro 6 m'attend, elle m'a même adressé un petit clin d'½il en passant à mes côtés avec son plateau toute à l'heure.
-Il y a une différence entre cligner des yeux et faire un clin d'½il, tu le sais Marvin ? Le taquinais-je en cherchant du regard aussi ma serveuse à moi.
-Ha. Ha. Ha.
-Bon, je vous laisse avec vos divertissements, je rentre chez moi. Profitez bien ! Déclara Scott en payant pour nous et disparaissant dans la foule pour accéder à la sortie.
-Compte là-dessus. Avait lâché Klent avant que Scott ne franchisse le seuil de la porte.
Klent réagissait comme nous face à la guerre. Lui aussi avait dépérit pendant quelques temps. Son petit frère lui manquait terriblement et il n'avait que des photos pour se consoler. Il savait que le laisser seul avec sa grand-mère n'était pas la meilleure solution. Néanmoins, c'était la seule qu'il avait trouvé. Son père était mort aussi et sa mère était infirmière et avait donc été envoyé en premier lieu à Pearl Harbor, puis par la suite dans le nord de la France. La seule chose qui arrivait vraiment à le faire sourire était les lettres qu'il recevait de cette dernière, une fois par mois, lui assurant qu'elle était belle et bien en vie, pour le moment.
-Allez, allez Justin. Pour l'instant, nous n'avons pas d'ordres, pas de batailles à donner, pas de mort à avoir sur la conscience, autant s'amuser. J'ai entendu dire que les françaises étaient de bonne qualité au lit.
-Tu n'avais pas encore testé depuis le temps que nous sommes ici ? M'exclamais-je, étant étonné qu'il ne sache pas.
-Et bien, je dois t'avouer que la guerre me préoccupait un peu plus.
-Pas moi ! Rajoutais-je en attirant contre moi la serveuse que je voulais depuis que j'étais entré. Une danse ma jolie ?
La jolie blonde étouffa un petit cri de surprise quand je l'empoignai brusquement par la taille mais se radoucit de suite en affrontant mon regard. Il ne suffit alors qu'un simple sourire et quelques battements de cils pour qu'elle prenne ma main et ne me conduit au milieu de la piste. La serveuse numéro trois n'était peut-être pas la mieux sculptée, en raison déjà de sa taille mais elle avait autant de poitrine que la première. Elle avait de jolies formes et elle se les mettait en valeur avec son bustier à corsage et sa jupe bleue qui était abimé vers les bords. Il ne suffit que je ne lui fasse qu'un tour sur elle-même et son chignon tomba, laissant ses cheveux ébouriffés et onduleux tombés sur ses épaules, elle émit un petit sourire et glissa ses mains autour de mon cou, rapprochant son c½ur du mien.
-Je vous vois souvent ici, la dernière fois c'était dans un uniforme de soldat. Lâcha-t-elle en dansant plus rapidement en suivant le rythme endiablée du groupe.
-Alors vous avez deviné qui j'étais.
-Vous n'avez pas l'air d'un soldat, ni vous, ni vos amis qui sont entrain de flirter mes compagnes. Se contenta-t-elle dire en me regardant de ses jolis yeux verts qui luisaient dans mon regard.
-Et pourquoi je n'en ai pas l'air ? Je suis autant séduisant que les autres, voir plus ! Me défendis-je en la faisant pouffer.
Dieux qu'elle m'ennuyait.
-Ce n'était pas péjoratif. Mais vous avez le sourire, vous riez, vous dansez, vous profitez. La plupart des soldats que je vois quand ils rentrent du combat ne font pas la cosette. Ils s'assoient, fument leur pipe et ne parlent pas. Je vous l'accorde, ils sont plus vieux mais j'en vois des jeunes aussi.
Je ne voulais pas jacasser longtemps sur ce sujet, mais moi-même je l'avais remarqué. J'avais déjà été plusieurs fois au combat et ceux que j'avais vu à Pearl Harbor m'avait traumatisé pendant longtemps. Mais je m'en étais remis, et je préférais oublier que de ressasser le passé.
-Et bien, certains ont appris à vivre avec la douleur, d'autres non. Terminais-je d'un ton sec, lui faisant comprendre que ce sujet était clos. Et si on montait ? Il y a beaucoup trop de monde ici, non pas que ça me dérange de le faire ici.
La fille arqua un sourcil avant de passer une main doucement dans ses cheveux et d'émettre un petit sourire, faisant apparaître ses fossettes et ne me lâcha pas la main, me guida jusqu'à la sortie de la piste de danse où se trouvait une porte qui menait à des escaliers. « Tu as de la chance, j'habite au-dessus. » avait-elle soufflé en passant ses bras autour de ma nuque et venant poser ses lèvres sur les miennes tandis que je défaisais déjà son corsage.
Avais-je omis de dire que nous notions aussi selon où les filles habitaient ? La fille numéro 3 était beaucoup plus banale que la 4 et 5, mais comme elle habitait au-dessus, c'était un plus.
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-On se revoit demain ? Me demanda la jeune fille en posant sa tête contre mon torse.
« Si la serveuse numéro 1 et 2 ne sont toujours pas là », alors oui avais-je pensé, riant moi-même de mon idée. Je plaçai une main derrière ma tête et regardais le plafond sans point fixe, pendant à rien. Je ne voulais pas penser à demain, ni à après-demain, je ne voulais pas me projeter dans l'avenir. Vivre au jour le jour me convenait parfaitement. Je tapotai l'oreiller sur lequel ma tête était allongée et priais pour que la fille se lasse et ne se lève pour aller préparer le petit-déjeuner. Il était hors de question que je parte le ventre vide. Je contemplais son appartement dans les moindres détails, petit mais confortable malgré que la parquet grinçait à chaque pas qu'on faisait.
-Bon, je vais considérer ce silence comme un « on verra », que voulez-vous à manger ? Répondit la blondinette au relevant la tête vers moi tout en baladant ses mains sur mon torse et tirant la couette vers son corps dénudé.
-Tu as des pancakes ?
-J'ai de la pâte à crêpes, on va faire avec ça Fit-elle en me volant un baiser et se levant pour préparer la table sans prendre la peine de se couvrir. Je vous ai déjà dit que j'adorais votre petit accent anglais ?
-Américain. Rectifiai-je. Ma mère était française, j'ai toujours eu des facilités en français, je ne pense pas avoir un fort accent, si ?
-Du tout, c'est très sexy. M'avoua-t-elle en me jetant un petit regard coquin tout en ouvrant la porte du frigo pour nous servir du jus d'orange.
Je décidai enfin de me lever, ne voulant pas non plus m'habiller de suite et me posais sur une de ses chaises bancales. Elle posa par la suite son regard sur moi et pesta en voyant où j'étais.
-Je ne veux pas l'emprunte de vos fesses sur ma chaise alors allez mettre un caleçon ou restez debout ! Plaisanta-t-elle en mettant les crêpes à chauffer sur sa plaque.
-Tu aurais un petit souvenir de moi. Ripostai-je en lui tirant la langue tout en dégustant le petit jus d'orange qu'elle venait de poser sur la table.
Les rideaux étaient tirés et je pouvais donc apercevoir les étoiles qui brillaient encore dans le ciel, il devait être six heures du matin, mais pour un mois de janvier, la nuit était présente jusqu'à huit heures. Seule la lumière de son vieux lampadaire éclairait les lieux. Mais cela donnait une ambiance assez cosi, et j'appréciais ça. Malgré tout, je savais que je devais revenir au camp dans moins d'une demi-heure.
-Voilà, voilà ! S'exclama-t-elle, fière d'elle en me posant une assiette bien garnie devant mes yeux.
Je me frottais les mains et m'attaquais par la suite à la dégustation. Elle n'était peut-être pas la première des serveuses mais elle était douée en cuisine –et aussi au lit-. Elle m'avait même déposé du sirop d'érable sur mes trois crêpes accompagné d'une clémentine. Elle s'installa en face de moi après avoir tapoté sa chaise pour s'assurer qu'elle n'allait pas craquer. Non pas qu'elle était grosse mais la qualité de son mobilier laissait à désirer.
-Tu as tout englouti à une de ses vitesses. Tu dois sûrement prendre des forces étant donner que tu es un soldat. Remarqua-t-elle en me tutoyant enfin.
-Tu comptes associer tout ce que je fais au fait que je suis soldat ? Répliquais-je le ton un peu trop hostile à son goût puisqu'elle se tût en murmurant un petit désolé. [...] Bon, je dois y aller, je vais être en retard sinon, merci pour le petit-dej', et le plaisir que tu m'as fait cette nuit. Terminais-je en lui lançant un petit sourire.
Cette dernière émit un petit rire et se pencha pour un dernier baiser que je n'acceptais pas. Je fis comme si je n'avais rien vu et attrapa mes affaires à la volée que je remis en un éclair. Je m'apprêtais à passer la porte, devenant hystérique si j'entendais une fois de plus ce parquet grincer mais sa main me retint.
-Bon, bah à une autre fois Monsieur. Commença-t-elle d'un air timide.
-Chéri, après ce que tu m'as fait cette nuit, je ne te crois pas timide. Plaisantais-je en remarquant qu'elle s'était vêtue d'une chemise de nuit. A un autre jour numéro trois.
Je ne me rendis compte que trop tard de mon erreur.
-Pardon ?
-Heu, je veux dire Marie. Me corrigé-je en passant la porte une bonne fois pour toutes et descendant les escaliers.
-C'est Leah ! S'indigna-t-elle étant toujours dans l'encadrement de la porte.
-C'est pareil.
Je descendis les escaliers en vitesse, étant pressé de partir de son logis. Elle était très doué au lit et créative mais beaucoup trop collante et entreprenante à mon goût. Je remis mon col de chemise en place, et me souvenant que je devais aller chercher dans l'après-midi mon uniforme avant d'aller voir mon commandant en chef qui organisait une réunion tous les deux jours pour s'assurer que tout allait bien ou nous confier certaines tâches. Je passai la porte du bar et découvris avec horreur les restes de la nuit. Il n'y avait que des soldats, qui n'avaient pas bougé depuis la veille. Certains, voir la plupart, étaient écroulés par terre, à faire le mort tandis que les autres étaient toujours collés à leurs chaises, fumant et répétant chacun de leurs mouvements plusieurs fois. Je ne pouvais qu'éprouver de la peine face à ce spectacle désolant qui se déroulait devant mes yeux.
-Range ta pitié et ton regard attristé comme si tu voyais des chiens se faire tuer. Cracha un vieil homme, rampant par terre.
Le soldat devait avoir la quarantaine, grand et sale. J'avais du mal à voir distinctement son visage en raison de sa touffe de cheveux qui partait dans tous les sens et de sa barbe qui prenait la moitié de sa tête. Il décida de lever les yeux vers moi et je pus remarquer qu'il possédait de grand et transperçant yeux bleus.
-Tu finiras comme nous mon pauvre garçon, seul. Un déchu. Un perdu comme tant d'autres.
-J'aurais mes amis et sans doute une famille pour m'aider. Et la guerre ne durera pas éternellement.
-Parce que tu crois vivre jusqu'à tes quarante ans ? Tu es bien optimiste mon bonhomme. Tu crèveras sans doute dans la bataille. Cracha-t-il en faisant tous les efforts au monde pour se hisser sur une chaise tandis que le proprio du bar faisait un coup de balai, sans se soucier de ma conversation. J'ai une famille, mais ce n'est pas eux qui vont m'aider à oublier ce que j'ai vu.
-Vous devriez faire des efforts pour eux alors.
-Je fais un effort surhumain pour ne pas mettre fin à ma vie. Fit-il sèchement en me priant de lui donner la bouteille de rhum qui se trouvait à mes pieds.
-Je suis soldat, vous savez ? Lui expliquais-je en prenant une chaise, me disant que j'avais un peu de temps devant moi.
Cet homme m'intriguait, et j'étais avide d'en apprendre plus.
-Un Américain ? Ca se reconnait à ton accent. Et qu'as-tu vu toi ? Parce que je pense que ce j'ai vu est bien pire que ce que tu n'as vu toi mon p'tit. Déclara-t-il d'un ton morne et las.
-J'étais à Pearl Habor, pendant l'attaque. Il m'a fallu un temps mais je me suis relevé.
-Et moi j'étais à l'assaut de Paris, j'ai dû me rallier à l'ennemi sinon ils allaient tué ma famille, ce qu'il en reste. Ils ont tué mes deux parents qui défendaient un juif et son fils, devant mes yeux. La seule raison pourquoi ils m'ont laissé en vie, c'est pour ma carrière de soldat.
-Je suis désolé.
-Je te l'ai dit. La pitié est pour les chiens errants. Bien que je ne sois pas loin de ce terme. Confia-t-il en s'enfonçant dans sa chaise tandis que je voyais quelques soldats se relever doucement et d'autres partir du bar.
-Vous devriez rentrer avec votre famille, passer du bon temps avec eux, et oublier ce qui s'est passé.
-Rien ne peut être oublié mon garçon, tu l'apprendras à tes dépens. Rien de cette guerre tu oublieras. Tu auras toujours les détails dans ta tête que tu revivras sans cesse. Rien ne s'oubli et rien ne s'efface.
-Vous êtes courageux.
-Je suis faible. Riposta-t-il, haussant d'un ton et regardant le sol. Au moins, ce qui est bien, c'est que nous avons une pause accordé aux soldats ayant faits certaines batailles. Ne sont-ils pas mignons ces chefs ? Ironisa-t-il en admirant sa bouteille de rhum.
-Vous ne devriez pas le dire tout fort. On m'a bien appris ça.
-Appris quoi ? A se plier ? A obéir aux ordres de quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il fait ? A se taire ? Je t'aime bien tu sais bonhomme, alors je vais te donner un conseil, clame haut et fort ce que tu penses, avec un peu de chance, ils te tueront avant que tu ne sombres dans l'alcool.
-J'essayerai de m'en souvenir. Répondis-je arquant un sourcil, le croyant beaucoup plus fou qu'il en paraissait. Vous devriez vous engager en tant que résistant alors si vous avez cette façon de pensée. Ricanais-je me moquant gentiment de lui.
-Je suis vieux et idiot mais pas fou. Renchérit-il en me lançant son premier sourire. Tu es Américain, pourquoi venir ici ?
-J'ai suivi mon meilleur ami. C'est une longue histoire, nous n'avions pas connaissance de ce qu'il se passait vraiment ici, on a migré vers le sud de la France et nous voilà ici.
-As-tu peur ?
-De la guerre ?
-De la tournure que ta vie va prendre quand tu seras envoyé sur le grill.
Voulait-il me faire peur ? Me prévenir ? Je le dévisageais un peu plus, portant attention cette fois sur ce qu'il portait. Ses vêtements étaient sales et abimés, presque déchirés mais quelque chose attirait mon regard, une babiole accrochée à sa veste, une médaille. Sa bouteille de rhum était vide mais il l'agitait toujours, espérant qu'il reste une moindre goutte à avaler. Il avait perdu toute humanité durant les batailles qu'il avait faites. Il me lista les batailles de la première guerre qu'il avait faite et me raconta quelques anecdotes de la guerre, tantôt triste, tantôt drôle, il n'omettait aucun détail et j'en venais même à avoir l'impression d'y être.
-Ce qui était bien dans les tranchées, c'est que nous puions tellement que même les rats ne nous approchaient pas, mon garçon. Mais la meilleure chose qu'il s'y passait, c'était quand nous recevions des lettres, de n'importe qui, ça nous touchait, car on se téléportait pendant quelques minutes, nous n'étions plus dans ces trous, plus en guerre.
-J'aimerais connaître ce sentiment, une fois dans ma vie.
-De solitude ? Ironisa l'homme.
-Non. Pouffais-je. J'aimerais que quelqu'un ou quelque chose me transporte, ne serait-ce que quelques instants, dans un tout autre monde. Comme avec les lettres que vous receviez, vous voyez à peu près de quoi je veux parler.
-J'ai connu l'amour une fois, comme tu le décris, l'amour, le vrai avec une infirmière. C'était un sentiment unique qui me faisait à la fois peur et sourire. C'est dure à expliquer, en vérité, il faut le vivre pour le comprendre, c'est effrayant de constater que ton c½ur est entre les mains d'une personne et qu'elle peut le briser à tout moment et c'est aussi extraordinaire d'aimer quelqu'un à ce point.
-Qu'est-il arrivé ?
-Oh, une explosion dans les centres médicaux. Elle ne répondait plus aux lettres, j'ai compris de suite qu'il y avait quelque chose. J'étais jeune mais je n'étais pas bête.
Je remarquais que sa voix se brisait petit à petit, ses mains tremblaient et chaque mot qu'il prononçait se cassait quand il racontait cette période. Nous n'étions plus que trois avec le propriétaire des lieux. Il me dit alors le nom de sa bien aimée, comment ils s'étaient rencontrés, son caractère, combien de temps ils étaient ensemble et passa rapidement sur le fait qu'elle était enceinte.
-C'était dure, très dure de supporter tout ça d'un coup, mes amis étaient morts, ma famille n'était pas avec moi et j'étais aussi blessé par le manque d'hygiène et le froid, de plus, j'étais très maigre à l'époque.
-Vous avez battu cette maladie. Plaisantais-je en remarquant son ventre arrondi dû à la bière.
-Je remercie le rhum. Rit-il avant de mettre une main sur mon épaule. Merci de m'avoir changer les idées.
-Merci à vous. Je vais y aller, je dois aller retrouver mes amis, j'ai déjà du retard.
-Profite mon garçon, il y a encore des gens qui t'attendent toi, au moins. Marmonna-t-il en esquissant un faible sourire.
Je me levais de ma chaise et me dirigeais vers la porte quand je me stoppai. Je me retournai et contemplai le vieil homme tristement. Je n'étais pas rester de marbre pendant son discours et je pensais réellement ce que je lui avais dit. Je me rendais compte que la guerre n'ôtait pas que des vies, elle enlevait beaucoup plus.
-Votre famille vous attend aussi, vous le savez, alors ressaisissez-vous et allez les voir. Et comme vous l'avez dit, la guerre n'est pas terminer. Ne déclarez pas forfait, vous êtes forts, vous vous relèverez.
-Cela peut paraître cruel mais la seule personne que je voudrais bien qu'elle m'attende, ce serait Emily, l'amour de ma vie. Mais on ne peut pas tout avoir dans la vie. Conclut-il du tac au tac. Heureux d'avoir fait ta connaissance mon garçon.
-C'est Justin. Justin Hastings. Soufflais-je en lui souriant une dernière fois avant de passer la porte du bar.
La lumière du jour me brûla les yeux, le bar me paraissait soudain très sinistre en comparaison. Les passants devaient sûrement me prendre pour un drogué, les cheveux en bataille, ma démarche lente et irrégulière, les yeux à moitiés ouverts et vides. Je ne m'étais pas remis entièrement de la soirée d'hier apparemment et le soleil me le faisait savoir. Je marchais donc lentement vers le camp d'entraînement, reprenant mes esprits. Je passai la grille de fer où plusieurs soldats faisaient la garde –allemands et français- et marcha jusqu'aux vestiaires où je me changeais, mettant mon uniforme. Je croisais plusieurs compagnons qui me firent remarquer mon état douteux puis partirent en direction de la salle des combats. Je n'avais pas raison de m'entraîner aujourd'hui, seulement de trouver quelque chose à faire et d'attendre qu'on me confie une tâche. Il faut dire, que la France étant occupée et Vichy libre et collaborant avec Hitler, nous n'avions pas vraiment de quoi nous battre. Je claquai mon casier en métal et partis regarder les combats dans la salle en attendant Marvin et Klent. La pièce était relativement petite mais suffisamment grande pour contenir une dizaine de personnes sur les gradins et une estrade où on pouvait se battre, je mentirais si je disais que la salle était entretenue. Le sol était poussiéreux et les murs fissurés sans compter le papier peint plus que fade. Cette fois-ci, c'était Gale Mickson et Finn Solis qui s'affrontaient sur le ring. Quand ils s'ennuyaient, ils s'amusaient à faire des tournantes, le vainqueur restait sur le ring et un volontaire remplaçait le perdant, il n'y avait rien à perdre ni à gagner si ce n'est de la fierté. Dès mon entrée, Marc, le « présentateur » stoppa toutes activités pour venir me saluer. Marc Bale était considéré comme l'une des personnes les plus hypocrites qu'il m'ait été donné de voir et il ne manquait jamais une occasion pour essayer de me rabaisser et je prenais toujours ces défis que je gagnais. Il disait souvent que je n'étais qu'un vile Américain superficielle, arrogant et égoïste ainsi que manipulateur –trop de compliments de sa part-. Marc était jaloux, sans me vanter. Il a toujours été un petit gringalet, considéré plus comme un garçon que comme un homme avec sa bouille toute ronde et ses tâches de rousseurs sur le nez. Et même s'il était plus âgé que moi, il avait l'air d'un gamin de 10 ans. Les regards se tournèrent vers moi et tandis que certains me saluaient, d'autres ne me jetaient qu'un bref regard et retournèrent à leurs occupations et leurs mises. On misait aussi sur lequel allait gagner, voilà nos occupations.
-Ah, Justin, tu viens participer ?
-Je suis pas en tenue. C'est dommage Marc. Lui répondis-je en faisant mine d'être triste.
-Tu as toujours des excuses toi hein.
-On sait tous qu'il te botterait le cul, Marc. Ne fais pas ton homme alors que tu n'es qu'un garçon. Lança un des autres gars, me tapant la main en même temps.
-Tu devrais te taire Neil sachant que je t'ai déjà mit au sol. Pesta Marc en lui riant au nez. Enlève cette veste, ça suffira si tu es si fort. Cracha Marc, me provoquant.
Je laissais échapper un petit soupire, il voulait vraiment terminer à terre. Je roulais des yeux et finis par lui sourire faussement avant d'enlever tranquillement ma veste et de la poser correctement sur un banc. Je desserrai ma cravate et ouvrais quelques boutons pour me sentir à l'aise en même temps de retrousser mes manches. Je montai sur l'estrade et attendis que Marc se prépare, il enleva son tee-shirt, se retrouvant torse nu où je pouvais constater qu'il avait prit un peu plus de muscle que la dernière fois.
-Tu t'entraines pour un jour me battre ?
-Ce jour est aujourd'hui.
-Trop d'optimiste en toi. Lâchais-je en mettant mes coudes correctement à leur place et serrant les poings
Il se mit dans la même position que moi mais changea de pied d'appui. Erreur, il avait prit le mauvais. Il ne prit même pas le temps de prendre ses positions qu'il fonça directement sur moi pour me décrocher un poing. Je l'arrêtais directement en plaçant ma main sur son poing et profita de mon autre main libre pour lui mettre quelques poings durs à l'estomac le faisant gémir. Je le relâchais bien vite, le but n'était pas qu'on se fasse mal, même s'il mourrait d'envie de m'en faire, le but était d'apprendre de nos erreurs.
-Change d'appui de pieds, et ne fonce pas, prends ton temps avant de charger comme un animal et regarde ma tête, pas mes pieds. Lui conseillais-je en me remettant en position de départ.
-Je n'ai que faire de tes conseils à deux balles ! S'écriait-il en se frottant l'estomac et chargeant à nouveau.
Je baissais ma tête et m'avançais en même temps que lui, une fois passé devant moi, je levais mon pied gauche et le tourna pour le percuter de dos. Le coup fut si fort qu'il en tomba à la renverse. Je vis quelques gens rire et je lui tendis alors ma main pour qu'il se redresse mais il préféra rester au sol qu'accepter de la prendre.
-N'oublie pas qu'on est dans le même camp, Marc. Gère ta ranc½ur.
-Et toi, gère ton égo.
-Il est trop gros, désolé. Le taquinais-je en retirant ma main et m'apprêtant à partir.
Je sentis des pieds courir sur l'estrade, malheureusement pour lui, le sol grinçait à chaque pas, cela me rappelait d'ailleurs le bruit casse-pied de l'appartement de la serveuse numéro 3. Je pus donc savoir où était-il et à quel moment précis il allait arriver sur moi, sa main touchant mon épaule, je lui pris son bras, fis volte face et retourna son bras, lui faisant échapper un cri et le plaquant au sol.
-C'est bas de faire ça. Lui crachais-je.
-C'est bon, t'as gagné, encore ! Grogna Marc en me suppliant de le lâcher.
-J'aime bien tes supplications. Cela me fait rire
-Justin. Intervint une voix que je ne connaissais que trop bien.
Je me relevais de Marc, qui se frotta de suite le bras en gémissant tel un enfant de quatre ans et jura entre ses dents quelque chose d'inaudible. Je ne lui accordais que peu d'attention et descendis de l'estrade en remettant ma chemise, ma cravate et enfilant ma veste, avançant vers Marvin, habillé avec l'uniforme de soldat, son chapeau étant tenu par sa main droite.
-Marc, n'oublie pas de bosser sur ton pied d'appui. [...] Tu t'es bien amusé hier avec la serveuse numéro 6 ? Ricanais-je. Tu peux te moquer de moi aussi, la numéro 3 est vraiment trop collante.
-Le chef du gouvernement est ici, Justin. Commença Marvin en ignorant de répondre à ce que je venais de lui dire.
-Et que fait-il donc ici ? Il ne devait pas être à Paris ?
-Je ne sais pas, mais il m'a envoyé te chercher. Pierre Laval veut te voir, Justin.
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Voilà j'espère que je nous ai pas trop déçu. On ne verra Grace que dans la fin du deuxième et le début du troisième chapitre. Conseillez-moi, dites ce que vous pensez, les points positifs et négatifs, que ce soit au niveau de l'écriture qu'au niveau de la présentation.Qu'avez-vous aimé? Le premier chapitre, je me suis surtout concentré sur le caractère de Justin, le mettre en avant pour que vous ayez une idée de qui il est. Je ne veux pas faire trop de vulgarités dans ma fiction (même si les soldats l'étaient). Voilà voilà, bisous les loulous.
Jb2a2b, Posté le mardi 06 mai 2014 12:35
Alors, en effet j'aime l'histoire (notre histoire) j'aime aussi le fait que je n'ai pas encore eu la joie de lire ce genre de thème sur sky, j'ai appréhendé de lire celle ci car j'ai eu peur de m'ennuyer au premier chapitre, je suis quelqu'un qui ce lasse très rapidement malgré que je sois très fidèle aux quelques fictions que je lis. Et bien, pour te dire mon avis sur ton chapitre... J'ai aimé ! Oui, je suis agréablement surprise ! Pas une seconde j'ai décroché mes yeux pour faire autres choses! Tu écrits et décrits magnifiquement bien .. L'idée de faire paraître cette histoire via Justin plus vieux est génial ! Surtout que tu ne nous a pas fais des vas et viens passé-présent et c'est plutôt un bon point ! Le fait que tu te positionne sur le caractère du personnage principal est une très bonne chose, bon sang que ça fait du bien de pouvoir déguster du talent comme le tien ! Je tiens à te remercier pour celui ci :) alors je m'avance peut être un peu vite mais de ce que j'ai lu ... Rare que je me trompe et je doute que la suite me déplaise... En parlant de ça, j'y retourne vite fais et je te laisserai un avis pour la suite :) grosses bises !